23.11.09

1-Lettre ouverte: Mesdames, Messieurs les enseignants d’hypokhâgne encore un effort….ou pourquoi ma fille va quitter votre établissement sans regret!

Le 3 novembre 2009

Il est facile de penser, sans grand effort intellectuel, que le premier mérite d’un enseignant réside dans sa capacité à faire un bon élève d’un mauvais, à révéler l’excellent au sein du médiocre, à déceler les capacités à travers les faiblesses. Mais dans une « classe prépa » ce précepte ne s’applique plus puisque l’excellence supposée des élèves est la norme. Alors, puisque seuls les meilleurs des meilleurs seront élus… comment qualifier les autres !? Ainsi seriez vous donc légitimés à produire du mauvais avec du bon ?
Permettez-moi d’en douter…
D’abord vous ne semblez pas vous rendre compte qu’en fondant vos enseignements sur cette règle vous êtes en profonde contradiction avec tout ce qui fait l’honneur et la valeur de votre profession.
Amener en quelques semaines de jeunes esprits remarquables à officiellement « démissionner » voire même, au pire, à attenter à leurs jours (un des meilleurs éléments de Classe de Giulia) serait donc, à vos yeux, une preuve de votre réussite, une forme sophistiquée de « sélection naturelle », en quelque sorte l’expression légitime d’un « Darwinisme social » indispensable à la constitution de l’élite de notre beau pays… !? Dans ce cas vous pourriez donc, d’ores et déjà, vous enorgueillir d’un début d’année fort prometteur…
Mais j’ose croire que la majorité d’entre vous en éprouve une peine réelle, ou en est pour le moins quelque peu affligée…Pourtant la certitude d’œuvrer pour le bien de ceux qui vont « survivre » et la fierté d’être à la source de leur future réussite continue de vous aveugler. D’ailleurs n’êtes-vous pas, vous-même, issus de cette sélection ? L’élite œuvrant pour l’élite…Il est vrai que l’éducation nationale a depuis la révolution deux fonctions peu compatibles : Favoriser la démocratie et constituer l’aristocratie intellectuelle…. Cependant il me semble qu’elle ne peut prétendre à la réussite que lorsqu’elle concilie les deux.
Penser qu’en décourageant les « plus faibles » vous allez faire apparaître les meilleurs est d’un simplisme affligeant. Croyez-moi, il est difficile d’admettre que de telles absurdités stratégiques soient encore à l’œuvre de nos jours, surtout au cœur même d’un supposé sanctuaire de l’intelligence. Ceux que vous éliminez sont la plupart du temps des esprits plus libres et matures que leurs camarades, qui ne se soumettent que difficilement à vos hautaines et incontestables certitudes. Tout particulièrement cette année puisque c’est, soit disant, ce profil d’élèves que vous aviez souhaité et que vous confrontez à l’extrême opposé de l’ambition pédagogique affichée sans vergogne lors des « portes ouvertes » du printemps dernier :
« Privilégier la solidarité entre les élèves, favoriser le développement de leur esprit critique et renforcer avant tout leur goût pour les beaux textes, l’intelligence littéraire et philosophique, l’analyse critique du monde politique et social et l’approfondissement de quelques langues étrangères… »Ce sont vos mots !
Est-ce vraiment ce qu’ils vivent jour après jour depuis la rentrée?
- D’évidence point de solidarité si ce n’est celle qu’ils développent entre eux pour résister et supporter ce qu’ils subissent…
- Les beaux textes ? Oui certainement s’ils trouvent le temps de lire, surchargés qu’ils sont, en plus des 30 heures de cours, plus les devoirs et les leçons …Peut être la nuit ? Enfin, Giulia pouvait au moins « s’alléger » de ceux du XXème siècle car tous, absolument sans aucune valeur, de l’avis éclairé de sa professeur… !
- Quant à l’esprit et analyse critiques … !? Ne sommes nous pas là au cœur de la problématique liée à tout enseignement. De quelle méthode pédagogique s’agit-il ? Le cours magistral (au centre de vos pratiques) est-il vraiment le plus approprié ? Permettez-moi d’en douter et sans prétendre trancher en telle matière je voudrais vous faire les remarques suivantes :
-Afin de développer un esprit libre il semble nécessaire au préalable de l’informer et de lui apprendre à interpréter (mémoriser et comprendre). L’idéal serait donc d’informer mais de manière non dogmatique afin de bâtir un socle à l’intelligibilité.
Mais comment y prétendre en réduisant l’enseignement au seuls cours magistraux, aussi brillantissimes soient-ils ? Est-ce vraiment la pratique éducative cohérente avec l’idéal affiché ?
Ayant besoin de soutien en un tel débat j’ai donc cherché d’autres avis susceptibles d’étayer mon propos et je l’ai trouvé dans les écrits d’une de votre brillante consœur (Eveline Charmeux) dont la pertinence et la justesse de l’analyse rendent superflue toute autre expression de ma part :
-  D’abord à la question : Pourquoi un cours magistral ? Elle répond ceci :
« Tout simplement, parce que c'est infiniment plus reposant qu'un travail de groupes (y compris pour le prof, du reste!).
Ecouter un cours, cela permet de penser à autre chose : c'est de l'évasion pure, doucement bercée par la musique du discours, généralement excellent, que diffuse la voix de son maître. Si l'on a été attentif (ce qui peut arriver...), on en retient environ 10% ; et si l'on s'est laissé aller à une rêverie personnelle, on ne retient que la belle musique, mais rien des paroles. » . J’y ajouterai un commentaire personnel. Pour combattre cela il suffit d’obliger à prendre des notes, au moins le poignet travaille… !
- Ensuite « Un cours magistral, comme une conférence, c'est une forme de documentation, plus agréable souvent que la lecture d'un livre ou d'un article, mais dont l'apport est exactement du même ordre : celui d'une information ; jamais celui d'une connaissance….. » ? Voilà qui, sans en contester l’importance, permet d’en constater la limite.
Et plus loin la définition des fameuses trois dimensions de l'apprentissage :
« 1- la dimension affective, que l'on satisfait si l'élève est considéré comme une personne à part entière, dont les savoirs sont à respecter, même s'ils sont erronés au regard de la science, et dont les difficultés d'avoir à apprendre sont partagées et soutenues dans une relation de solidarité et d'entraide mutuelle ;
2- la dimension cognitive, que l'on satisfait si l'élève a la possibilité de comprendre ce qu'on lui fait faire, à quoi ça sert, et comment ça marche ;
3- la dimension opératoire, que l'on satisfait si l'élève a la possibilité de mettre à l'épreuve, en vraie grandeur, ce qu'il apprend, afin d'en mesurer la pertinence et l'utilité, et si des liens sont ainsi créés avec la vie extérieure à l'école.
La vraie difficulté, c'est le "ensemble"... Un adverbe décidément bien difficile à intégrer !! »
Hormis en philosophie (fort notable et étonnante exception) rien dans ce qu’a vécu ma fille depuis 8 semaines ne s’apparente vraiment à cela! Pire c’est par l’absolu opposé qu’elle a été harassée et finalement écœurée.
Alors, in fine, qui sont ceux qui demeurent (meurent ?) en vos murs:
En majorité ces esprits jeunes et maniables, déjà « bien éduqués » par leur milieu familial, convaincus que le monde n’est qu’un vaste champ de bataille où ne subsisteront que les plus compétitifs et, paradoxalement, les plus soumis à l’autorité. Ceux à qui l’on peut demander tranquillement d’oublier tout ce qu’ils croient savoir afin d’implanter dans leurs vierges cerveaux «La Connaissance » que « Le Maître » détient sans conteste.
Et, plus rarement, car peu d’entre eux parviennent jusque là, quelques éléments « issus des classes défavorisées » (comme ils disent… !) qui vont s’accrocher et se soumettre pour tenter de s’élever dans « la lumière »…Ceux là sont méritants et respectables et parfois ne perdent pas leur âme en chemin. (Mais leur rareté a nécessité la mise en place d’un quota de places réservées à quelques « privilégiés » issues des ZEP. Ne chercherait-on pas là simplement à masquer les carences démocratiques d’un système éducatif obsolète plus prompt à créer des inégalités qu’à les résoudre? Êtes-vous vraiment fiers de ces résultats et assurés des qualités intrinsèques de cette prétendue sélection ? Pour ma part celle actuellement au pouvoir me laisse pour le moins sceptique ?
Enfin pour celles et ceux qui partent, et j’en connais intimement au moins une, je leur dis bravo, les félicite d’avoir le « courage de fuir » et les encourage à le faire avec fierté. Il est très difficile à plus ou moins18 ans de résister à une telle pression et quasi impossible de se rebeller. Soyez convaincus que l’échec et la perte ne sont pas de votre côté et n’ayez aucun regret. De toute évidence l’avenir qu’ils vous promettaient est obsolète et ne survivra pas aux bouleversements qui s’annoncent même si cette forteresse éducative se comporte comme si elle allait être miraculeusement épargnée.
Écoutez ce que nous disait notre fille le 12 octobre dernier :
«…. Je parle au passé parce que mes espoirs s'amenuisent, que même mon orgueil de bonne élève se fait la malle, et que les bancs égalitaires et fraternels de la Fac m'appellent avec de plus en plus de force, malgré toutes les inquiétudes qu'ils m'inspirent...
Je me rends compte aussi, avec surprise, que dans mon esprit, (ce que Pascal appellerai "le cœur" ou "l'intuition" qui ne fait alors aucun appel à la raison) la prépa s'arrête après les vacances d'Octobre, qu'il n'y a plus pour moi de colles, de devoirs le samedi matin, de profs castrateur, et de méthodes à n'en plus finir,.. Après le 25 octobre... !........ Ils veulent m'enlever ce qui me fait rire et sourire, ils veulent tuer ma poésie et ma force, ils veulent me faire rentrer dans le moule en espérant que j'apporterai à la société de demain de la rigueur et de l'intelligence, ils veulent de moi ce que je n'ai jamais été. Je ne suis pas muette, je n'obéis pas les yeux fermés, je ne me plis pas à ce qu'on me dit seulement parce que c'est dit, je ne veux pas qu'on m'apprenne à me plier aux conventions et aux absurdités...».
Somme toute n’est ce pas là, en moins de deux mois, un magnifique résultat ….!?
L’éducation est au centre de toute civilisation. Celle de notre pays est actuellement dramatiquement malmenée .Ce qui nous sert de gouvernement tente, sous couvert de réforme de l’instrumentaliser au profit d’un monde économique aberrent, comme si, aujourd’hui, s’instruire n’avait pour seul objectif que de trouver un emploi. J’ai toujours été de votre côté (vous les enseignants) dans les luttes nombreuses que vous avez menées et poursuivez encore pour essayer de sauver ce qui peut encore l’être.
Mais vous, profs privilégiés d’hypokhâgne à Joffre, porteurs d’une prétention éducative à l’excellence, vous croyez vous vraiment à la hauteur de cette ambition ? Est-ce vraiment compatible avec la déontologie de l’Enseignant d’avoir comme ultime objectif de produire des « bêtes à concours » dont un très faible pourcentage accédera au Saint Graal : L'ENS d'Ulm (Depuis 2002, 15 élèves ont été admissibles et 7 ont été admis…) 7 en 8 ans… ! Accepteriez-vous un stage de quelques semaines en ZEP pour vous immerger un moment dans la réalité et mesurer la qualité de vos méthodes face à une classe de 40 élèves en banlieue ?
Ainsi seriez vous sans doute mieux à même d’apprécier le sens profond du mot élève (élever) et du mot maître (dominer) et d’expérimenter « in situ » ce qu’est souvent la lourde charge de votre fonction …
Peut être prendriez vous-même conscience que s’accommoder sans remords (« Vous nous quitter ? Que c’est dommage ! Mais voyez donc avec la vie scolaire pour remplir votre lettre de démission (Unique commentaire Du professeur de Français (réfèrent) de Giulia en apprenant sa volonté de partir!) ») de l’hémorragie d’une partie de vos effectifs s’apparente plus à une monstrueuse absurdité qu’à l’éthique supposée de votre emploi !
Mais je rêve, n’est ce pas ?
Bernard Bouchault

Père de Giulia que je soutiens et que j’aime.

6 commentaires:

  1. Cher Monsieur,

    Je suis une amie de Giulia qui a lu avec toute l'attention et l'intêret qu'il mérite l'échange de courriers entre le lycée Joffre et vous-même. Je tenais tout particulièrement à vous remercier pour ce regard qui n'est pas un jugement pour nous, élèves et anciens élèves de cet enfer, mais bien pour l'administration qui nous l'impose. Merci de comprendre, merci de soutenir Giulia de la façon dont moi j'aurais aimé avoir été soutenue lorsque, en dépression, il a fallu que j'affronte le courroux de mon père avant de pouvoir enfin démissionner. Merci d'avoir exprimé tout haut, et à qui de droit, une vérité si peu entendue d'ordinaire.

    Avec toutes mes respectueuses salutations.

    Ambre (ancienne élève d'hypokhâgne)

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  2. De neoprofs.org un lieu d'échanges et de discussion entre professeurs. Voici le lien direct: http://www.neoprofs.org/l-enseignement-au-quotidien-f1/reflexions-hivernales-t17668.htm.
    C'est moi qui l'intègre car il n'a pas su le faire lui même! Je le commente en suivante....
    Son pseudo: Abraxas
    "Oh, j'ai adoré…
    J'ai essayé de mettre un commentaire, mais je n'ai pas trouvé comment faire. Alors, je livre ici ce que je répondais à ce malheureux — je préfère penser qu'il était malheureux, plutôt que tout à fait imbécile…
    Monsieur le lecteur d'Eveline Charmeux,
    Peut-être avez-vous raison (entendez-moi bien : peut-être). Mais si vous étiez vous-même passé par les prépas, vous auriez appris à inverser les termes d'un problème pour voir si, en le posant autrement, on ne trouve pas des pistes intéressantes…
    Par exemple…
    "Peut-être" avez-vous fait vous-même le malheur de votre fille (et ça ne va pas s'arranger, en fac…). En lui faisant croire qu'une classe préparatoire était un grand lieu convivial. En croyant vous-même que l'élitisme républicain et la démocratie telle que vous l'entendez pouvaient avoir un point de contact. Mais surtout, en ne la préparant pas, en amont (au collège et au lycée) au type de travail, exigeant et très personnel, que demande la préparation de concours difficiles. Mais "peut-être" pensiez-vous que les programmes, que l'Ecole où "l'élève construit son savoir tout seul" et est "au centre du système" suffiraient à la préparer à un système de transmission verticale, où les Savoirs (et les savoir-faire) sont au cœur du système — et non les "savoir-être" ou les "savoir-devenir" mis en avant par l'Institution depuis que les disciples de Philippe Meirieu ont pris le contrôle de la maison.
    Votre fille était nécessairement une bonne élève — elle devait l'être pour avoir été admise à Joffre : j'ai enseigné là-bas en prépas, et même si je n'en pense pas un bien fou, surtout en sections littéraires, je peux vous affirmer que le recrutement des élèves est fait sérieusement. Mais elle n'était pas assez motivée pour survivre dans un milieu aussi darwinien qu'une classe préparatoire : la connaissiez-vous donc si mal ?
    Il se peut que les profs de telle ou telle matière soient insuffisants, ou peu pédagogues (il y a une pédagogie de l'élite, figurez-vous, mais combien la maîtrisent ?). Mais en fait, c'est le système même d ela prépa que vous critiquez — un peu comme un sportif (et même un bn sportif) critiquerait un système hautement compétitif. Il y a dans les prépas une atmosphère raréfiée dans laquelle il faut survivre.
    Enfin, vous m'étonnez un peu : confrontés à un milieu hostile, la plupart des élèves de prépas ont tendance à s'entendre, par petits groupes au moins — et s'aident en général à travailler. Votre fille, dont j'imagine que vous l'avez formée à la convivialité citoyenne à la mode, n'était "peut-être" pas faite pour ce système de chapelles, de petits complots, de rumeurs et de sexualité diffuse et permanente, cette atmosphère de serre chaude — voir Zola, la Curée, pour comprendre exactement ma métaphore — qu'on appelle une classe préparatoire."

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  3. Ma réponse au commentaire d’Abraxas…
    Il est d’abord étonnant de constater combien il est difficile de rester objectif devant la critique même de la part d’enseignants chevronnés (surtout en Français) dont on pourrait espérer un peu plus de capacité d’analyse et d’oubli de soi .
    Mais une remarque préliminaire s’impose car plus de 70 enseignants membres de ce site ont parcouru ce blog et moins d’une dizaine l’ont commenté. Je peux donc espérer que quelques uns ont su au moins comprendre le sens de mon propos sans le déformer et même peut être s’y retrouver…Je suis pourtant très alarmé qu’aucune voix ne se soit élevée contre le caractère terriblement rétrograde et régressif de la plupart des interventions sur ce forum. D’évidence le préfixe « neo » ne suffit pas à créer une génération de « profs » humanistes, démocrates et éclairés….C’est vrai qu’il actuellement utilisé pour faire du neuf avec du vieux !
    Tout particulièrement chez ce cher « Abraxas » dont l’arrogance et la suffisance, tout à fait remarquables, méritent que l’on s’y attarde un moment. Je pourrai sans aucune peine, démonter ligne après ligne, les bêtises qu’il assène à grand coup de certitudes bien consensuelles et particulièrement réactionnaires mais mon texte y suffit déjà amplement (surtout la réponse à la lettre du proviseur (dont il est sans conteste le digne héritier) et qu’il a dû omettre de lire. Et puis comme, en toute « simplicité », il finit par ceci « Votre fille, dont j'imagine que vous l'avez formée à la convivialité citoyenne à la mode, n'était "peut-être" pas faite pour ce système de chapelles, de petits complots, de rumeurs et de sexualité diffuse et permanente, cette atmosphère de serre chaude — voir Zola, la Curée, pour comprendre exactement ma métaphore — qu'on appelle une classe préparatoire »,
    nul besoin de faire le moindre commentaire…Ce qu’il est coule de lui à grand flots!
    Alors bien sur, triste pomme, c’est « Le système » que je combats. Celui qui remplace l’accès au savoir par une course au succès social et matériel, la confrérie dans l’étude par la compétition acharnée et stérile, la curiosité intellectuelle par le formatage aux soit disant principes d’excellence, et finit par remplacer la sagesse du doute par l’outrecuidante stupidité….
    Ah ! Au fait ma fille va bien ! Elle est en fac, retrouve le goût de la lecture, des études et de la vie, et espère ne plus avoir jamais affaire à des olibrius dans votre genre… !
    Le lecteur d'Eveline Charmeux dont l’intelligence et l’humanisme vous sont totalement étrangers.

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  4. Je suis tout cela de très près, je le vis de l'intérieur, j'y participe, discute, argumente, encourage, annote, en un mot : je partage et adhère et cela fait un ciment de plus entre nous trois
    Simone Mathis (mère de Giulia)

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  5. Monsieur,
    Il me semble qu'un point de vue manque cruellement à ce petit débat multimédia: celui d'un élève. Pour ma part, je suis ancien élève d'hypokhagne et même, suicidaire jusqu'au bout direz vous, je suis allé en deuxième année, en khâgne!
    Alors je me suis pensé légitimement apte à dire quelques mots.
    Tout d'abord, je tiens à vous préciser qu'au sein de ma promotion, personne n'est mort ou n'a fait de dépression.Etonnant non? Je comprend tout à fait ce qu'a pu ressentir votre fille tout au long de son passage en prépa. Il est vrai que ce cursus est extrêmement éreintant, tant sur le plan psychologique que physique. Il est vrai que les professeurs qui assurent cet enseignement sont parfois durs et même incompétents. Tout cela, je ne le remettrais pas en cause, bien au contraire, je pense comme vous.
    En revanche, il y a des choses dans votre discours, d'une facture remarquable et d'un style agréable toutefois. Plus j'avançais dans ma lecture plus je devenais sûr d'une chose : vous n'êtes pas allé en prépa, vous ne connaissez strictement rien d'elle. Mais le plus grave c'est que vous vous permettez de la juger. Je ne rentrerais pas dans un débat stérile et inutile à propos du système éducatif car moi je me sait relativement mal placé pour le juger. Je peux cependant dire une chose : mes années de prépa m'ont formé l'esprit et appris la rigueur intellectuelle. Et je ne suis pas devenu une "élite", comme vous vous plaisez à nous nommer. Je suis actuellement en stage dans une maison d'édition parisienne relativement modeste. Vous voyez ? Je souris, je ne me noie pas dans le prosac et j'ai une vie sociale. Je suis "normal" et pourtant, je sors de khâgne hypokhâgne au lycée Joffre!
    Tout cela pour vous dire, mon cher monsieur, que vous vous fourvoyez largement et lamentablement à propos de ce que vous croyez sur ce genre d'études. Comment osez vous jugez les "jeunes" qui passent par ce cursus ? Nous, et je parle au nom de tous les camarades que j'ai côtoyés durant mes deux ans, n'étions pas "maniables" et immatures, nous ne buvions pas goulument les paroles de nos "Maître[s]" sans réfléchir à leur sens, nous avions du recul et de la réflexion à propos de notre situation d'alors. A vous entendre, nous étions et ils, les actuels, ceux de l'ancienne classe de votre fille, sont des moutons, gentiment menés au pré pour brouter l'herbe de "la Connaissance" (remarquable emploi de la majuscule). Raisonner par cliché vous renvoie au même rang que le despote que vous critiquez et qui vous a répondu avec le même niveau de réflexion. Finalement, lui et vous avez beaucoup de points communs.
    Vous n'avez pris comme témoignage que celui de votre fille et une tentative de suicide,qui semble relever de la fable au vu du passage éclair qu'à effectué votre fille au sein de la prépa. Il m'appartenait de vous dire que toute votre attaque, cela étant dit justifiée, ne repose sur presque rien. Je dis presque parce que, encore une fois, je comprend votre fille et tout ce qu'elle a pu endurer. Mais ce n'est absolument pas une raison pour vous permettre de juger tous les jeunes qui comme moi ont trouvé un avenir dans cette prépa. Et je suis sûr que beaucoup d'autres continueront de trouver le leur, malgré les médisances et les rancoeurs personnelles de certains.
    Et comme le disait le philosophe espagnol Baltasar Gracian Y Morales : "Le premier signe de l'ignorance, c'est de présumer que l'on sait".

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  6. Bien évidemment ce point de vue d’ancien élève blessé par mes propos ne m’étonne guère…. Comment pourrait-il en être autrement de la part de celles ou ceux qui ont franchis plus ou moins brillamment le cap de la seconde année ? C’est un comportement classique et bien connu de post justification des sévices subis en commun. Il est même la plupart du temps le résultat d’une volonté délibérée de l’institution cherchant à renforcer l’esprit de corps, voire de caste, de ceux qui ont traversé ensemble toutes ces épreuves et les ont surmontées.
    Votre témoignage en devient un peu pathétique car pour une part vous comprenez et adhérez à mon analyse mais bien sûr vous vous devez de légitimer (à juste titre) ce que ce cursus scolaire a fait de vous. Et là cette rigueur intellectuelle si chèrement acquise vous fait cruellement défaut… ! Sachez cependant que je ne juge pas les victimes mais les bourreaux et que mon discours n’est essentiellement qu’une réaction à celui qui nous a été tenu lors des portes ouvertes à Joffre. J’affirme que l’on nous a menti et cela est intolérable ! En dehors de cela chacun est libre de choisir ses déterminations et de les revendiquer.
    Enfin permettez-moi de penser que c’est bien évidemment parce que je n’ai pas subi une « classe prépa » que j’ai la liberté de m’exprimer ainsi et que le savoir ne se réduit heureusement pas à la simple expérience.
    BB

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